Le forum a été mis en lecture seule. En savoir plus

Article du monde sur les "perdeurs de greve"

Vous avez vu un article sur nous dans un journal, une rubrique à la télévision ou même dans le conseil de quartier de votre ville. Dites le nous, nous ne sommes pas toujours informés.
Avatar du membre
kiki
Messages : 91
Enregistré le : 17 déc. 2005, 01:00

Article du monde sur les "perdeurs de greve"

Messagepar kiki » 04 janv. 2006, 10:40

Un article sur les perdeurs de grève paru dans le monde.

voici le lien
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0 ... 781,0.html


Le spleen des "perdeurs de grève"
LE MONDE | 03.01.06 | 13h45 • Mis à jour le 03.01.06 | 13h45
(à Marseille)

ls se croyaient les fers de lance d'un nouveau mouvement social qui allait embraser tout le pays dans un grand élan de sympathie, comme en 1995. Ils se voyaient en hérauts de la résistance pour un service public menacé par la privatisation et les directives européennes. Après quelques jours, voire plusieurs semaines de grève, les salariés des transports, et leurs dirigeants syndicaux, à la SNCF, à la SNCM et à la RTM de Marseille ont perdu leur bataille contre des directions inflexibles.

Ils ont cédé sous la pression politique d'une opinion publique lassée par des mouvements à répétition. Ils ont surtout perdu la bataille des mots et de la communication. Face au chômage persistant et à l'accélération des pertes d'emplois délocalisés, ces salariés protégés par leur statut se sont retrouvés isolés, dans l'incapacité d'obtenir un soutien actif, y compris au sein de leurs propres organisations.

Figure émergente d'une nouvelle génération de syndicalistes, Fabien Villedieu, 27 ans, conducteur de train sur la ligne D du RER à Paris et militant de Sud-Rail, ne renie rien de l'aveu lâché au moment de la reprise après neuf jours de grève, du 5 au 14 décembre 2005. "On n'a obtenu que des broutilles. Mais je peux vous assurer qu'en assemblée générale, les conducteurs ne regardaient pas leurs chaussettes. Ils sont fiers d'avoir fait grève", assurait le jeune militant, porte-parole improvisé d'un mouvement stigmatisé, y compris par le président de la République, Jacques Chirac.

Dix jours plus tard, il persiste : "La cause était juste. Je revendique de me battre aussi contre la dégradation des conditions de travail et de sécurité qui concerne aussi les usagers. Ce conflit a pris une dimension politique qui nous a dépassés. Le modèle doit-il être l'Angleterre où il n'y a plus de grève mais un service de transports déplorable ?"

L'argument n'a pas pesé lourd lorsque, pour la première fois, le directeur des transports d'Ile-de-France à la SNCF est descendu dans les couloirs du RER pour "dire la vérité" aux usagers mécontents sur le temps de travail, les salaires et les "avantages" des conducteurs de train.

Guillaume Beaucheron, 34 ans, agent de conduite et délégué du personnel (FO) sur la ligne B, elle aussi immobilisée, garde, lui, une certaine rancoeur à l'encontre de la direction de la SNCF qui s'est assise à la table des négociations au quatrième jour de grève : "C'est la première fois qu'on nous traite d'irresponsables, qu'on parle de grève disproportionnée, sous-entendu illégitime." Lui refuse de parler de défaite, alors que, affirme-t-il, "des avancées ont été obtenues sur les rémunérations, les effectifs et les conditions de travail".

Ces mouvements localisés et catégoriels auraient-ils eu un tel impact sans "l'échec" de la grève illimitée décrétée par cinq organisations syndicales de la SNCF, le 22 novembre 2005 ? Avec à peine plus de 22 % de participation — mais plus de 50 % chez les conducteurs de train —, elle s'est arrêtée à l'issue de quelques heures de négociation.

Là aussi, la défense du service public à la SNCF menacé de "privatisation rampante" après France Télécom, La Poste, EDF, GDF et d'autres entreprises publiques, n'a guère trouvé d'écho. Didier Le Reste, secrétaire général de la fédération CGT des cheminots, a été bien en peine de convaincre que les résultats de la négociation — certes réels — étaient une "victoire".

Signe du trouble créé dans l'opinion, il s'en est défendu dans une lettre ouverte aux salariés de la SNCF : "Se mettre en grève et obtenir des résultats est insupportable dans cette société libérale de pensée unique où l'on n'encense les syndicats que lorsqu'ils acceptent les reculs sociaux au nom de la modernité."

Après vingt-quatre jours de grève en septembre 2005 contre la privatisation totale de la Société nationale Corse-Méditerranée (SNCM), Jean-Paul Israël, délégué CGT, manifeste un certain optimisme : "On n'a pas gagné le débat idéologique sur le maintien du service public, explique-t-il, mais on a conservé l'unicité de l'entreprise, la présence de l'Etat dans le capital, l'assurance des dix navires... Ce n'est pas rien !" Le chef charismatique des marins ajoute un élément décisif : "Les salariés ont bien compris pourquoi on arrêtait : contre la justice (la menace d'un dépôt de bilan par décision d'un tribunal de commerce), on ne peut rien."

A la Régie des transports de Marseille (RTM), où les quarante-cinq jours de grève, du 4 octobre au 24 novembre 2005, pèsent encore lourds, les blessures semblent plus douloureuses, avivées par une désunion brusque du front syndical. Alain Requenna, secrétaire général de Force ouvrière, est amer. "Il est incompréhensible qu'il ait fallu attendre dix-sept jours pour être reçus par le maire et vingt-six pour avoir un médiateur. Il est incroyable que la justice ait déclaré notre grève illégale : c'est même ce qui m'a le plus choqué", commence-t-il. Mais les suites dans l'entreprise lui sont aussi très douloureuses : "Beaucoup m'en veulent personnellement, car j'ai quitté l'intersyndicale et parce que nous avons appelé à la reprise. Mais nous y étions obligés."

Ces conflits durs et longs pourraient aussi avoir des conséquences. Internes aux syndicats, d'abord. Serge Bonutti, cégétiste dans l'âme, annonce que "les dirigeants vont devoir mieux entendre ce que disent les bases syndicales", en particulier sur la place du secteur industriel dans la société. "Si le 4 octobre (date de la journée nationale interprofessionnelle), ça avait embrayé au niveau national, on n'aurait pas été obligés de rentrer", croit Jean-Paul Israël. Il précise : "Je ne tire pas à boulets rouges sur ma confédération. Dans le débat qui oppose public et privé, le gouvernement a gagné la bataille. La seule solution pour en sortir, c'est qu'il n'y ait pas de déserts syndicaux dans le privé. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire." Pour FO, Alain Requenna regrette aussi qu'il y ait eu, "même dans mon syndicat, plus de motions que d'actions de soutien".

Et ces dirigeants considèrent que ces luttes dures auront aussi des conséquences électorales. "Les idées de service public ont retrouvé de la force durant le conflit et reviendront au premier plan lors des prochaines échéances électorales", relève M. Israël.

Une journée d'action qui, malgré la participation d'un million de personnes, n'a été suivie d'aucun effet. Une grève nationale à la SNCF faiblement suivie et des conflits locaux et catégoriels stigmatisés : le trouble a fini par s'installer sur les stratégies d'action et devrait rejaillir lors des congrès confédéraux de la CGT, en avril, et de la CFDT, en juin.

A la SNCF, Guillaume Beaucheron s'inquiète du "discrédit porté sur les organisations syndicales. Chaque fois que leur légitimité est remise en cause, on s'est retrouvé avec des mouvements qui n'étaient pas canalisés et l'émergence d'une base non contrôlée". Un phénomène accentué, prédit M. Villedieu, par le renouvellement des générations : "Les jeunes sont moins enclins à suivre des mouvements de vingt-quatre heures, la méthode traditionnelle des anciens. Mais quand ils s'engagent, c'est à fond."


Michel Delberghe et Michel Samson
Article paru dans l'édition du 04.01.06


Retourner vers « On parle de la D et de nous dans les médias »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 17 invités