Les deux Agent de Conduite (TGV et Zaco) ont parfaitement réagi et ont rigoureusement fait ce qu'il fallait, sans la moindre entorse aux procédures prévues.
Bravo ! Les trains ont été protégés correctement. Le truc con c'est qu'il y a de nombreux personnes qui ont été exposé à la vision macabre sans soutien psychologique de prévu et que l'on relâche dans la nature comme çà : hop ! Mais bon tant que les procédures ont été respectés pourquoi s'inquiéter pour elles ?!
Je pense qu'il y a un point important à ne pas mettre de côté : il est extrêmement simple de rejouer la scène et de dire ce qu'il fallait faire ou ne pas faire en ayant tous les paramètres de la situation et en connaissant déjà le dénouement.
Sauf que la vraie vie, c'est pas ça, et ça en est loin!
D'ailleurs je suis surpris que cette personne aussi experte des transports soit-elle, ne sache pas reconnaitre le signal d'alerte radio et les cas d'émission de celui-ci. Puisqu'elle s'annonce en tant qu'ingénieur transport connaissant bien les procédures, je suis plus que surpris qu'elle ne sache pas que l'accident de personne fait partie des cas d'émission du signal d'alerte radio, douce mélodie stridente que nous avons tous bien entendu via les HP de la sono du train lorsque l'Agent de Conduite a pris la parole. Bref...
Comme dit l'expression, remettons un instant l'église au milieu du village et jouons la scène en temps réel :
T0=0
Phase 1 :
La victime se jette sur la voie 1 et le conducteur du TGV ne peut que subir cette première phase. Il suit la réglementation (et le bon sens), arrête son train d'urgence et émet le signal d'alerte radio (SAR) (je la fais courte sur ses actions parce qu'il n'est pas concerné dans le témoignage...)
T1=T0+temps de réaction de l'être humain, soit environ une seconde, peut-être une seconde et demie...
Phase 2 :
A l'audition du SAR, notre conducteur du ZACO arrête son train d'urgence. Au moment où il obtient l'arrêt de son train partiellement à quai, il prend la parole et demande de ne pas descendre, et précise que le train n'est pas encore arrêté au point d'arrêt normal.
En tâche de fond, cela permet d'entendre que le SAR n'a pas encore cessé. Le SAR empruntant le canal radio pendant toute la durée de son émission,
PERSONNE ne peut connaitre la raison de son émission, même le régulateur (à l'exception de celui qui l'a émit : le TGV), ni même le conducteur du ZACO qui n'est, à priori, pas devin... Accident de personne, franchissement de carré, arrachement caténaire, personnes aux abords des voies, obstacle quelconque sur la voie, la liste est longue....
T2=T1+temps du freinage d'urgence à 70/80km/h+temps de l'annonce, soit environ 15 à 20 secondes maxi.
Phase 3 :
L'Agent de Conduite du ZACO n'a qu'une possibilité réglementaire : mettre son train à quai et attendre les instructions du régulateur qui va être informé par l'Agent de Conduite du TGV via appel privatif.
Il reprend donc sa marche sur quelques mètres et se met à quai.
Les portes se déverrouillent d'elles-même alors qu'il ne connait toujours pas la nature de l'incident. Seul indice : il aperçoit maintenant la queue du TGV sur v1, mais cela ne peut être en aucun cas une certitude sur la nature et le lieu de l'incident puisque le SAR ayant été émis, il est normal de trouver un train arrêté...
T3=T2+temps inquantifiable avec certitude, mais comptez plutôt en "minute" qu'en "seconde".
L'Agent de Conduite du ZACO est informé via le régulateur de l'accident de personne à Maisons Alfort.
A ce moment-là, il a la certitude de la situation et peut informer les voyageurs, ce qu'il a fait.
Mais à ce moment-là, les voyageurs sont descendus depuis bien longtemps. Ceux qui étaient les plus rapides sont sûrement déjà dans le bus devant la gare...
Il a la certitude de la nature et du lieu de l'accident, mais pas des conséquences. Il ne sait donc pas où se trouve le "corps". Il peut être en amont du quai, à quai, en aval du quai, encore sous le train car trainé en dessous, projeté en dehors de la plateforme de voie...
Il attend donc les ordres du régulateur. Reprendre sa marche, évacuer son train, faire patienter, c'est le régulateur qui donnera les instructions... Quant à lui, le régulateur attend l'arrivée des secours pour connaitre l'ampleur de l'accident. Il n'a aucune idée de la situation. Accident, suicide? Personne éclatée ou juste blessé et miraculée? Tant qu'on ne sait pas, on ne peut pas prendre une décision pertinente.
Tout ce que je peux certifier sur le fait de se mettre à quai et de libérer les portes:
- Si il ne s'était pas mis à quai, dans les minutes qui ont suivi, il y aurait eu évacuation spontanée du train. Il est utopique de croire que les gens vont patienter indéfiniment dans le train alors que le quai est là...
Résultat pire!
- Si il s'était mis à quai et qu'il avait maintenu les portes fermées : signal d'alarme et évacuation du train dans la minute qui suit.
Même résultat avec la gestion d'un signal d'alarme en plus.
- Reprendre sa marche et ne pas desservir Maisons Alfort :
totalement hors procédure et il n'aurait même pas pu aller jusqu'à VdM à cause de la signalisation.
=> Ce qui a été fait est
normal et prévu par la réglementation et les procédures. C'est la bonne solution.
Le fait que cette personne ait été témoin du "résultat" de l'accident de personne n'est bien-sûr pas plaisant, mais ce n'est pas préjudiciable à la SNCF et encore moins aux acteurs sur place.
Pour conclure, je ne juge pas cette personne sur ce qu'elle a pu voir. Bien-sûr que c'est marquant, bien-sûr qu'il peut y avoir des images choquantes. J'en sais quelque chose, j'ai toujours des images de certains accidents/suicides sur lesquels je suis intervenu. Pas tous, certains m'ont marqué, d'autres pas vraiment. Des images restent, des détails restent, des noms restent aussi, même des années après...
Ce que je trouve anormal, ce sont les accusations portées à l'encontre des agents qui étaient présents, en disant "les procédures n'ont pas été respectées, et à cause de ça, je suis traumatisée".
A ça je répondrais: Non, tout a été respecté au pied de la lettre et dans ce cas précis, on subit tous la situation sur les premiers instants.
Objectivement, avec le nombre d'accident de personne qu'il y a tous les ans, il parait inconcevable d'accompagner chaque voyageur. D'autant que je vois mal comment il serait possible de savoir qui était vraiment présent, qui a vu quoi, si les images étaient vraiment choquantes...
Je comprends la personne choquée qui demande assistance parce ce qu'elle a vu l'a traumatisé, je ne comprends pas la personne choquée qui dit que l'incident a été mal géré et que les procédures n'ont pas été respectées, surtout quand on se prétend du "métier".
A la première, je réponds : oui, on va vous aider et envisager un accompagnement.
A la seconde, je réponds : chacun son métier, bonne journée.